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Le processus d’identification ou de reconnaissance d’une œuvre musicale implique généralement qu’on puisse établir une relation entre deux évènements musicaux ou bien entre un événement présent et une « image mentale » que, d’une manière ou d’une autre, on a représentée et conservée en mémoire. Mais identifier signifie aussi sous un prisme différent découvrir le sens de l’œuvre, en d’autres termes saisir les particularités de son inscription dans le temps. Et si M. Imberty pose que « temps musical et sens musical sont phénoménologiquement intimement liés » nous devons nous interroger comment l’œuvre se construit dans le temps, quelles sont ses possibilités, ses métamorphoses.
L’oralité musicale pose la question d’identification d’une manière plus urgente. L’œuvre orale, produit d’un dialogue constant entre prévu et imprévu, est sujette à mutation au cours de temps, l’auditeur est donc chaque fois appelé à reconnaître ce qu’il est en train d’entendre. C’est pendant la performance vivante – lieu symbolique idéal de l’oralité musicale – que l’œuvre orale revendique son identité. Mais la performance vivante est en plus un champ où se tissent les expériences culturelles des intersubjectivités et au sein duquel les auditeurs appréhendent et mémorisent la musique lors et grâce à des moments d’interaction participative et des rythmes partagés. Mes propres recherches sur la musique traditionnelle crétoise de danse, inscrites dans cette problématique, ont confirmé l’importance des gestes intentionnels qui se communiquent dans le temps pour la compréhension et la mémoire musicales.
Comment des mélodies apparemment différentes sont-elles jugées comme similaires dans le contexte musical crétois? En répondant à cette question on répond aussi en partie au problème fondamental de l’oralité qui concerne les limites de la variation. Cherchant à établir des relations de similarité, les auditeurs cherchent en même temps des communautés liées aux gestes et aux vécus culturels intersubjectifs. Ils tentent, dans un sens, à travers des analogies saisies d’une version à l’autre, de confirmer et de reconfirmer la liaison entre représentation sonore et représentation gestuelle. Ce rapport étant dans leur contexte culturel la source principale d’émotion musicale, demande d’être vécu sans cesse. Et c’est cette récurrence, ce rappel d’une émotion déjà sentie qui suscite la sensation du même, du familier, du connu. Sous cet angle, quand deux mélodies sont jugées comme similaires bien qu’elles présentent des diversités agrantes c’est parce qu’elles satisfont aux mêmes besoins expressifs et émotionnels. Dans cette lignée d’idées, l’identification se fonde plutôt à la découverte d’un sens culturel qui ressort des intentions communicatives. Ainsi ce qui s’identifie ne sont pas tant des structures que des intentions.
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