informations

Type
Séminaire / Conférence
Lieu de représentation
Ircam, Salle Igor-Stravinsky (Paris)
durée
33 min
date
11 avril 2018
note de programme
Michel Imberty

Nous pouvons montrer que les liens entre interprétation et l’herméneutique épousent fidèlement l’histoire de la musique et du langage, ou plutôt de la musique conçue comme langage, et ce indépendamment d’un acquiescement ou non à ce modèle de « langage musical ». Il est intéressant de noter que la linguistique propose des modèles de compréhension du langage et l’on doit notamment retenir l’apport de Jakobson qui énonce qu’un signifiant ne suppose en place de signifié qu’un autre signifiant. Tentons de montrer l’intérêt d’une telle approche structurale qui s’oppose à une conception pré-freudienne, chez Freud, où la représenta- tion est l’effet du traumatisme. Dans cette première conception freudienne qui date de la neurotica, c’est-à-dire toute la période où Freud commence sa pratique et tente de mettre à jour l’activité du fonctionnement psychique, il s’agissait de retrouver le récit d’un traumatisme. Et curieusement, c’est une idée qui fait retour chez les post-freudiens avec la notion par exemple d’un l’originaire ou d’un archaïque… Or, Freud laissera tomber cette conception qui relève des techniques actives (hypnose, suggestion, etc.) pour suivre dé nitivement le fil de l’activité fantasmatique du sujet. Autrement dit, on trouve chez Freud, et ce à partir de la seconde topique, un geste radicalement opposé à cette visée archéologique qui serait incluse dans l’interprétation conçue comme restauration d’un sens perdu ou oublié.
En effet, après la proposition freudienne de pulsion de mort (années 1920) qui permet un dépassement de la première topique par la formulation d’une nouvelle topique intégrant l’activité de la pulsion de mort, les arts, et en particulier la musique, semblent vouloir être au plus vif de cette activité de la pulsion de mort, au plus près du dépassement du sens, donc localisés en place du vide, du blanc ou du silence. La pulsion érotique ne peut plus se penser autrement qu’à partir de son moteur qu’est la pulsion de mort, puisque la nouveauté du Freud des années 1920 est d’affirmer que la pulsion sadique est primaire.
Ce n’est qu’à partir du moment où la musique ne signifie rien d’autre qu’elle-même (Stravinski) que l’herméneutique choit: l’espoir herméneutique, donner du sens… ne fait plus sens… en dehors de la seule urgence de figurer le Réel, celui qui dépasse le sens, l’au-delà de ce sens qui laisse place au vide, au blanc et au silence…
Il faut alors redéfinir ce que nous appelons interprétation, débarrassée de toute herméneutique.
Dans ce sens, on peut être attentif à la place laissée au silence dans l’art du XXe siècle, mais aussi au blanc et au vide qui signent une nouvelle fonction de l’œuvre, « qui n’est plus d’abord de représentation, mais de construction “sinthomale”» (Rassial, in Vivès 2011). Ce retour au silence, au blanc et au vide signe une nécessité de franchissement, de dépasse- ment, pour inaugurer de nouveaux lieux. L’inventivité qui priorise alors la dimension du Réel signe l’échec de la créativité et aussi l’échec de la sublimation.


Michel Imberty : la psychologie de la musique au-delà des sciences cognitives - 2e jour

Si les travaux de Michel Imberty dans le domaine de la psychologie cognitive de la musique sont connus (Entendre la musique, 1979, Les écritures du temps, 1981), ils ne s’inscrivent dans les courants comportementalistes et structuralistes de l’époque que d’une manière particulière et partielle. Dans ces ouvrages comme dans les nombreux articles qui suivront, progressivement se dégagent deux thèmes interdisciplinaires et surtout une position épistémologique plus proche de celle de l’anthropologie ou de l’ethnomusicologie, position qu’on pourrait qualifier de phénoménologique. Ces deux thèmes sont d’une part la temporalité et /ou le temps musical – le plus ancien dans sa réflexion - , la nature et l’origine de la musicalité humaine d’autre part, concept central développé parallèlement dans l’ouvrage de 2005, La musique creuse le temps. Or c’est aussi dans cet ouvrage que la position phénoménologique du chercheur est affirmée, car la réflexion sur le temps musical pose non seulement des problèmes de cognition au sens classique, mais des problèmes de sens et de signification qui étaient déjà la matière des deux premiers ouvrages. Le sens pose la question de l’intentionnalité, et on ne peut travailler sur la musique – comme sur toute œuvre humaine – sans s’interroger à la fois sur les conduites (du compositeur, de l’exécutant-interprète, de l’auditeur), et sur le sens que ces conduites ont pour ceux qui en sont les actants intentionnels. Plus encore, on ne peut le faire sans s’interroger sur le sens que tout cela prend pour le chercheur lui-même, le sens qu’il donne à sa recherche par rapport à ce que les sujets qu’il interroge en perçoivent eux-mêmes. En interrogeant la musique à travers un large champ de recherche, qui va des théories psychanalytiques au bouclage du temps dans un parcours « proto-narratif » tel que la biologie contemporaine en relève les traces dans le fonctionnement cérébral, Michel Imberty a ouvert un espace considérable à l'interprétation des faits musicaux, et ses écrits interrogent aussi bien le musicologue et l'analyste de la musique que le psychologue ou le philosophe qui s'intéresse à la manière dont l'être humain donne sens à la temporalité. Ce colloque, intitulé « Michel Imberty, la psychologie de la musique au delà des sciences cognitives » se propose d’accueillir les contributions de chercheurs qui ont été à un moment ou à un autre de leur parcours, marqués par cette pensée qui fait entendre le fait musical sous un angle radicalement renouvelé.

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