Cette communication, s’inscrivant dans le cadre du colloque autour de l’œuvre du philosophe, psychologue et musicologue français Michel Imberty, a pour but de mettre en valeur les différents liens entre les préceptes scientifiques (mais aussi épistémologiques) autour de la réflexion sur l’intentionnalité musicale comme véhicule principal de la créativité, du sens et de l’émotion. Nous envisageons en l’occurrence un retour analytique sur une de ses réflexions récentes (son avant-propos autour des origines biologiques et psychologiques de la musique dans le livre Musique, Signification et Émotion) qui constituerait la synthèse d’une bonne partie de ses recherches, mais aussi de rendre compte de certains concepts majeurs parmi ses différents écrits qui forment aujourd’hui, à notre avis, un débat constant et continu sur la question de l’intentionnalité musicale. Nous évoquerons dans cette communication quelques exemples de la culture musicale arabo-orientale, notamment quelques aspects compositionnels modernes où l’intentionnalité musicale constitue un objet central.
Michel Imberty : la psychologie de la musique au-delà des sciences cognitives - 2e jour
Si les travaux de Michel Imberty dans le domaine de la psychologie cognitive de la musique sont connus (Entendre la musique, 1979, Les écritures du temps, 1981), ils ne s’inscrivent dans les courants comportementalistes et structuralistes de l’époque que d’une manière particulière et partielle. Dans ces ouvrages comme dans les nombreux articles qui suivront, progressivement se dégagent deux thèmes interdisciplinaires et surtout une position épistémologique plus proche de celle de l’anthropologie ou de l’ethnomusicologie, position qu’on pourrait qualifier de phénoménologique. Ces deux thèmes sont d’une part la temporalité et /ou le temps musical – le plus ancien dans sa réflexion - , la nature et l’origine de la musicalité humaine d’autre part, concept central développé parallèlement dans l’ouvrage de 2005, La musique creuse le temps. Or c’est aussi dans cet ouvrage que la position phénoménologique du chercheur est affirmée, car la réflexion sur le temps musical pose non seulement des problèmes de cognition au sens classique, mais des problèmes de sens et de signification qui étaient déjà la matière des deux premiers ouvrages. Le sens pose la question de l’intentionnalité, et on ne peut travailler sur la musique – comme sur toute œuvre humaine – sans s’interroger à la fois sur les conduites (du compositeur, de l’exécutant-interprète, de l’auditeur), et sur le sens que ces conduites ont pour ceux qui en sont les actants intentionnels. Plus encore, on ne peut le faire sans s’interroger sur le sens que tout cela prend pour le chercheur lui-même, le sens qu’il donne à sa recherche par rapport à ce que les sujets qu’il interroge en perçoivent eux-mêmes.
En interrogeant la musique à travers un large champ de recherche, qui va des théories psychanalytiques au bouclage du temps dans un parcours « proto-narratif » tel que la biologie contemporaine en relève les traces dans le fonctionnement cérébral, Michel Imberty a ouvert un espace considérable à l'interprétation des faits musicaux, et ses écrits interrogent aussi bien le musicologue et l'analyste de la musique que le psychologue ou le philosophe qui s'intéresse à la manière dont l'être humain donne sens à la temporalité. Ce colloque, intitulé « Michel Imberty, la psychologie de la musique au delà des sciences cognitives » se propose d’accueillir les contributions de chercheurs qui ont été à un moment ou à un autre de leur parcours, marqués par cette pensée qui fait entendre le fait musical sous un angle radicalement renouvelé.