Dans un article publié en 2020, Márta Grabócz a analysé un « scénario de type ‘duel’ » dans le concerto pour alto Replica (1998) de Péter Eötvös. Le quatuor à cordes Korrespondenz, créé par le quatuor Arditti en 1993, offre un exemple d’une autre sorte de « duel ». Dans ce quatuor, Eötvös s’est inspiré de la correspondance entre Leopold et Wolfgang Mozart dont les lettres ne manquent pas de fortes différences d’opinion et même de véritables confrontations. Les textes eux-mêmes ne sont pas lus pendant la représentation ; ils sont seulement imprimés dans le livret de programme. Cependant, ils fournissent le matériau sonore de l’œuvre puisque chaque voyelle a été convertie en intervalles musicaux selon un système précis de codage. Bien sûr, ce codage ne détermine qu’un aspect assez limité du morceau, et de nombreux facteurs musicaux et dramatiques essentiels restent encore à explorer (comme par exemple le choix des fragments épistolaires et les nouveau contextes dans lesquels le compositeur les a placés, l’emploi de techniques instrumentales avancées, etc.). Bien que le « code » employé soit un « code secret » qui ne peut pas être déchiffré par l’auditeur, Eötvös a réussi à nous faire sentir les émotions des deux Mozart en utilisant d’autres moyens qui, s’ils sont plus abstraits, n’en sont pas moins expressifs. Leopold et Wolfgang apparaîtront ainsi comme un père et un fils hors du temps jusqu’à la grande surprise dans la mesure finale.

Peter Laki, né à Budapest, a étudié à l’Académie Franz Liszt et a obtenu son doctorat à l’Université de Pennsylvanie. Invité par Christoph von Dohnányi, il a rédigé toutes les notes de programme de l’Orchestre de Cleveland pendant dix-sept saisons et présenté des causeries avant-concerts. Il a enseigné l’histoire de la musique dans plusieurs universités américaines ; depuis 2007, il est membre de la faculté au Bard College. Auteur de nombreux articles musicologiques il a édité le volume Bartók and his world (Princeton, 1995). Après une dissertation sur la musique vocale italienne du XVIIe siècle, il s’est consacré, pendant les dernières années, aux œuvres de compositeurs hongrois Bartók, Kodály, Ligeti et Kurtág. Il a assisté à de nombreux congrès internationaux en Europe et aux États-Unis.

Colloque Peter Eötvös : jour 2. D'une dramaturgie musicale à l'autre

Né le 2 janvier 1944 en Transylvanie, Péter Eötvös mène une triple carrière de compositeur, chef d'orchestre et pédagogue. Sa musique, jouée par les orchestres et les festivals du monde entier, compte à ce jour – en plus d’environ 90 œuvres instrumentales et vocales importantes – douze opéras (et deux opéras de chambre), parmi lesquels : Trois Soeurs (1996-1997), Love and Other Demons (2007), Paradise Reloaded (Lilith) (2012/13), Der goldene Drache/Golden Dragon (2013/14), Sleepless (2020) et le dernier qui sera créé en 2023 : Valuska. Depuis ses premières pièces et les musiques de film de sa jeunesse, le caractère théâtral, dramaturgique et visuel de ses oeuvres prédomine, jusque dans son catalogue instrumental. Aussi sa production dans le domaine du théâtre musical (ses œuvres instrumentales et vocales, puis ses opéras) mérite-t-elle d’être interrogée du point de vue esthétique, analytique et dramaturgique. Ce sera l’objet de ce colloque réunissant des spécialistes de sa musique venant de plusieurs pays : France, Hongrie, Allemagne, Autriche, Portugal, États-Unis ou encore la Chine. Organisation scientifique : Márta Grabócz Organisation institutionnelle : Institut Liszt, Ircam Comité scientifique : Jean-François Boukobza, Laurent Feneyrou, Geneviève Mathon, Szabolcs Molnár